Pas une minute à perdre : il est temps de renforcer la croissance mondiale et de créer des économies inclusives

Par Christine Lagarde
5 juillet 2017

Les dirigeants du G20 se sont réunis à Hambourg pour examiner comment affermir la reprise de l’économie mondiale (photo: Markus Lange/robertharding/Newscom)

Il y a bientôt soixante ans, des musiciens encore peu connus, les Beatles, débarquaient à Hambourg, passaient chez le coiffeur, enregistraient leur premier titre et trouvaient leur voix.

Prenant exemple sur les Fab Four, les dirigeants du monde entier qui se retrouvent cette semaine au sommet du Groupe des Vingt peuvent mettre à profit leur séjour à Hambourg pour écrire la partition d’une croissance mondiale solide.

Une reprise en bonne voie

Ce sommet s’ouvre dans un climat d’optimisme suscité par une reprise mondiale qui dure depuis un an. Alors que les réunions précédentes du G20 étaient régulièrement assombries par une croissance capricieuse et des révisions à la baisse, cette évolution vient à point nommé.

Cet optimisme doit cependant s’accompagner de prudence car des efforts restent nécessaires pour renforcer la reprise et rendre les économies plus inclusives.

Quelle est l’origine de cette dynamique de croissance ?


Un redressement récent de l’activité manufacturière et de l’investissement dans le monde montre que la reprise que nous avions prévue en avril reste en bonne voie. Nos prochaines prévisions seront publiées à la fin juillet, mais nous nous attendons d’ores et déjà à une croissance mondiale de l’ordre de 3 ½ % cette année et l’année prochaine.

Toutefois, comme l’explique notre dernière Note de surveillance pour le G20, la répartition de la croissance a évolué selon les régions.

Aux États-Unis, qui connaissent leur neuvième année d’expansion et où le chômage conjoncturel a quasiment disparu, un passage à vide au début de 2017 et l’incertitude liée à l’action des pouvoirs publics ont tempéré nos perspectives.

La zone euro, tirée par les mesures de relance monétaire et la demande intérieure, a obtenu des résultats meilleurs que prévu et la situation des pays émergents a été favorisée par une croissance robuste en Chine et une stabilisation en Russie et au Brésil.

C’est pourquoi, si une dynamique s’est bel et bien déclenchée, nous ne pouvons nous reposer sur nos lauriers. Des risques, tant anciens que nouveaux, menacent notre objectif d’accélérer une croissance qui profite à tous.

Un horizon assombri

Ces risques ne se limitent pas à une région ni à un type d’économie et, dans certains cas, sont les conséquences négatives des éléments moteurs de la reprise.

Les vulnérabilités financières sont préoccupantes dans l’immédiat. Après une longue période de conditions financières favorables, caractérisée notamment par de faibles taux d’intérêt et un accès plus aisé au crédit, l’endettement des entreprises est trop élevé dans de nombreux pays émergents. En Europe, il faut encore assainir les bilans des banques après la crise. En Chine, une expansion plus rapide que prévu, si elle continue d’être alimentée par un crédit rapide et une hausse des dépenses, risque de se traduire par une dette publique et privée insoutenable.

Si rien n’est fait, ces multiples sujets de préoccupation vont à coup sûr provoquer des difficultés financières soudaines alors que les pays du monde entier continuent d’être aux prises avec plusieurs problèmes de long terme.

Citons simplement des inégalités économiques trop profondes, une faible croissance de la productivité, un vieillissement de la population et une disparité entre les sexes. Nos recherches montrent que ces difficultés limitent la croissance potentielle et freinent la hausse des revenus et des niveaux de vie.

Comment le G20 doit-il réagir ?

Un appel à agir

Le mieux est de commencer par entretenir la dynamique économique actuelle. Des mesures monétaires et budgétaires peuvent soutenir la demande là où cela est nécessaire et possible.

Ainsi au Japon, où la production reste inférieure à son niveau potentiel, un soutien budgétaire et monétaire conjugué à une conjoncture économique mondiale favorable a alimenté une croissance particulièrement forte depuis plusieurs trimestres.

Ces mesures ont cependant des limites. Les pays doivent chercher les moyens de se prémunir contre les risques, d’accélérer la croissance et de tirer profit de la coopération internationale. Aucun pays ne fonctionne en vase clos, et toute mesure prise par l’un d’eux peut avoir des répercussions plus fortes et durables si elle est prise en coordination avec les autres pays membres du G20. Nous devons en priorité :

• Relancer la croissance de la productivité. De nombreux pays pourraient consacrer des moyens accrus à l’éducation, à la formation et à des mesures d’encouragement de la recherche et du développement et ainsi stimuler l’investissement et mobiliser l’énergie entrepreneuriale. Ils donneraient ainsi à leurs économies le coup d’accélérateur dont elles ont tant besoin pour parvenir à une croissance durable.

• Protéger le secteur financier. La période de croissance que nous traversons peut être mise à profit pour lutter contre les vulnérabilités des entreprises et des banques en renforçant les fonds propres et les bilans. De plus, pour parvenir à une croissance durable, c’est le moment non pas de supprimer les dispositifs de contrôle et de réglementation mis en place au lendemain de la crise, mais de les améliorer.

• Nous attaquer aux déséquilibres excessifs des transactions courantes. Les pays qui enregistrent un déficit courant, tout comme ceux en excédent, doivent s’attaquer à ce problème dès à présent pour éviter de prendre des mesures correctives de plus grande ampleur plus tard. Ce sommet est aussi l’occasion de renforcer le système commercial mondial et de réaffirmer notre engagement à bien appliquer des règles qui encouragent le jeu de la concurrence tout en créant des conditions équitables.

Surtout, nous devons nous attacher à bâtir des économies inclusives. Des réformes structurelles s’imposent afin d’augmenter les revenus et d’aider davantage les victimes de l’évolution de la technologie et de l’intégration de l’économie mondiale.

Par ailleurs, nous devons déployer de nouveaux efforts pour autonomiser les femmes et éliminer les disparités entre les sexes.

Dans les pays avancés membres du G20, la différence entre la main d’œuvre rémunérée masculine et féminine est de 15 points de pourcentage environ. L’écart est encore plus important dans les pays émergents membres du G20.


Si les pays du G20 atteignent leur objectif d’accroître de 25 % le taux d’activité des femmes d’ici à 2025, ils pourront créer, selon les estimations, 100 millions d’emplois dans l’économie mondiale.

Les avantages que l’on peut tirer en éliminant les disparités entre les hommes et les femmes sont un exemple parmi beaucoup d’autres de ce que l’on peut accomplir en agissant de concert.

Un autre exemple, celui du Pacte pour l’Afrique, lancé sous la présidence allemande du G20 et essentiellement destiné à encourager l’investissement privé, peut servir de modèle pour renforcer la croissance et diversifier l’économie dans l’ensemble du continent.

Je tiens également à insister sur la coordination nécessaire pour s’attaquer aux crises humanitaires mondiales, qu’il s’agisse d’épidémies, de catastrophes naturelles ou de famines. Le G20 a pris une mesure majeure en s’engageant à verser plus d’un milliard de dollars d’aide en faveur des millions de personnes confrontées à la famine en Somalie, au Soudan du Sud, au Yémen et au Nord-Est du Nigéria. Dans les mois qui viennent, nous devons agir davantage pour remédier aux causes profondes de ces événements aux conséquences effroyables.

L’ensemble de ces difficultés montre bien l’essentiel : la reprise mondiale est sur les rails mais des mesures concrètes et une coopération internationale plus étroite s’imposent pour poursuivre sur cette lancée et passer à la vitesse supérieure.

J’ai l’espoir que tout comme le groupe de Liverpool qui a fini par changer le monde, le G20 trouvera son rythme à Hambourg. Il doit saisir cette occasion pour se rassembler, non seulement pour accélérer la croissance, mais aussi pour faire en sorte qu’elle bénéficie à tous.
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Christine Lagarde est Directrice générale du Fonds monétaire international. Après un premier mandat de cinq ans, elle a été reconduite dans ses fonctions en juillet 2016 pour un deuxième mandat. De nationalité française, elle a auparavant occupé le poste de ministre des Finances de son pays entre juin 2007 et juillet 2011. Elle a aussi été ministre d’État chargée du Commerce extérieur pendant deux ans.

Par ailleurs, Mme Lagarde a poursuivi une longue et remarquable carrière d’avocate spécialiste du droit de la concurrence et du travail en qualité d’associée dans le cabinet international Baker & McKenzie, dont elle a été élue présidente en octobre 1999. Elle l’est restée jusqu’en juin 2005, date à laquelle elle a été nommée à son premier poste ministériel en France. Mme Lagarde est diplômée de l’Institut d’études politiques (IEP) et de la faculté de droit de l’université Paris X où elle a aussi enseigné avant de rejoindre Baker & McKenzie en 1981. Une biographie plus détaillée est consultable à cette adresse.



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